La blockchain/Chaine de blocs, c’est quoi au juste … ?
La blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle. Par extension, une blockchain constitue une base de données publique, sécurisée et distribuée (c’est-à-dire partagée par ses différents utilisateurs, sans intermédiaire). Cette blockchain (« chaîne de blocs ») contient l’ensemble des échanges effectués entre ses utilisateurs depuis sa création, échanges dont chacun peut vérifier la validité (c’est-à-dire vérifier depuis son ordinateur si la chaîne est bonne ou si quelqu’un a tenté d’y glisser un « faux »).
Une blockchain peut donc être assimilée à un grand livre comptable public, anonyme et infalsifiable. Comme l’écrit le mathématicien Jean-Paul Delahaye, il faut s’imaginer « un très grand cahier, que tout le monde peut lire librement et gratuitement, sur lequel tout le monde peut écrire, mais qui est impossible à effacer et indestructible. »
Cette technologie peut être utile à bien d’autres domaines que la monnaie : les brevets, les votes pour des élections, les instruments financiers (dérivés, emprunts, micro-crédit…), l’immobilier, les certificats de toutes sortes (par exemple les diplômes), les données de santé, les jeux, les réservations (hôtels, restaurants…), nos clés (de domicile, de voiture…)… Les champs d’exploitation sont immenses.
De façon générale, la blockchain peut potentiellement remplacer tous les « tiers de confiance » centralisés (banques, notaires, cadastre…) par un système informatique décentralisé.
La blockchain révolutionne le secteur foncier et le système cadastral !
Revenons ce qui s’est passé en Haïti après le tremblement de terre dévastateur de 2010. Alors que de nombreux pays et organisations faisaient de leur mieux pour aider à la reconstruction de la nation, un obstacle faisait son apparition : il était impossible d’identifier les propriétaires légitimes de milliers de parcelles, ce qui créait des conflits.
Encore aujourd’hui, ces tensions ont un impact sur les efforts de relèvement du pays. Les projets de reconstruction sont au point mort tandis que le gouvernement et les entrepreneurs attendent que les problèmes de propriété soient résolus. Les commerces et les maisons, qui seraient nécessaires pour que les citoyens d’Haïti puissent reprendre leur vie, ne sont pas bâtis. Le système de cadastre actuel est corrompu et inefficace, et ce sont les citoyens vulnérables d’Haïti qui en souffrent le plus.
Les cadastres de dizaines de villes à travers le monde en développement souffrent de problèmes similaires. Beaucoup de citoyens ne font tout simplement pas confiance au système. Certains ne savent pas s’ils sont légalement propriétaires, bien qu’ils possèdent un acte de vente. D’autres souhaitent acheter un terrain mais ne savent pas si le vendeur le possède légalement.
Avec la technologie blockchain, nous avons la possibilité de résoudre plusieurs de ces problèmes : les enregistrements sont liés au système en permanence, de sorte que personne ne peut altérer ou falsifier ses propres dossiers. De plus, ces enregistrements peuvent être consultés par n’importe quelle partie, à tout moment. C’est une technologie puissante et significative.
Grace à la blockchain, les acheteurs sont assurés qu’ils deviennent légalement propriétaires d’un terrain réel, cela réduit les conflits potentiels.
Alors, comment fonctionne notre preuve de concept ? La blockchain capture et enregistre chaque transaction, de manière permanente, tout au long de la vente d’une propriété. De cette façon, vous obtenez une traçabilité et une transparence en temps quasi réel.
Prenons par exemple deux citoyens – un acheteur et un vendeur – qui ont négocié la vente d’une maison et souhaitent enregistrer leur acte de vente auprès des autorités locales. Ils se rendront aux bureaux des services gouvernementaux comme ils le feraient normalement, un représentant entrera alors l’acte de vente dans le système, alimenté par la technologie blockchain. Ce système enregistrera l’acte de vente en présence de l’acheteur et du vendeur. Il traitera également les approbations de ces derniers. Une fois la transaction approuvée, un transfert automatique de propriété sera effectué.
Les administrateurs sont à présent en mesure de visualiser et de surveiller l’état des propriétés et des actes de vente en temps quasi réel, ainsi que d’avoir un accès instantané à un historique transactionnel complet et permanent.
La beauté de ce système est que les citoyens engagés dans l’achat et la vente de propriétés n’auront pas besoin d’un compte blockchain ou de changer leur interaction avec le registre foncier. La technologie fonctionne simplement en arrière-plan. Cette solution augmentera également la confiance des citoyens dans le gouvernement et améliorera l’expérience client. Plus important encore, elle permettra d’améliorer la sécurité des données et d’assurer l’authenticité des registres fonciers.
Plusieurs pays ont initié des projets de cadastre en blockchain
Le Ghana
L’ONG Bitland, basée au Ghana, ambitionne de permettre aux institutions et aux personnes privées qui le souhaitent de permettre l’arpentage de leurs territoires et d’enregistrer leurs actes fonciers sur une blockchain via un formulaire disponible sur Internet. L’amorce engagée au Ghana sera certainement appelée à se multiplier sur le continent. Mais, la création d’un cadre juridique spécifique sera sans doute nécessaire et demandera du temps.
A l’avenir, il ne devrait pas être étonnant de voir que de plus en plus de gouvernements et d’administrations se pencher sur cette utilisation afin de simplifier leur organisation et améliorer leur transparence vis-à-vis des citoyens… A n’en pas douter, la jeunesse du continent africain saura trouver les synergies gagnantes de cette technologie démocratique.
Le Honduras
Dès 2015, le Honduras s’est lancé dans une aventure innovante, tenter d’endiguer les fraudes et les escroqueries liées aux titres de propriété qu’il a connu ces dernières années et de faire face aux piratages massifs dont la base de données recensant les possessions terriennes a été victime.
Ainsi, Il a déployé, avec l’entreprise texane Epigraph, un système de tenue du cadastre basé sur la blockchain, c’est-à-dire sur des registres numériques partagés, modifiables par un système d’authentification à deux facteurs, une clé publique et une clé privée.
Le principe est que le registre est stocké en de multiples points et que toutes les modifications sont tracées. Il est infalsifiable par toute personne qui ne possède pas une clé… Et cette clé lui est assignée. On sait donc toujours qui fait quoi. De quoi permettre d’authentifier le cadastre en temps réel, protéger les hypothèques, les contrats et les droits miniers, tracer toutes les transactions mais aussi inciter les propriétaires (60 % ne sont pas enregistrés auprès du cadastre) à répertorier leurs propriétés officiellement pour les mettre en sécurité.
L’Ukraine
A l’automne 2017, l’Etat ukrainien a été incité par le FMI à mettre en place, elle aussi, un cadastre numérique pour éradiquer la corruption en vigueur sur les titres de propriété agricoles. Le but était d’éviter les transactions occultes et les cessions forcées des titres de propriété.
L’outil blockchain a été considéré par le gouvernement comme le seul capable d’instaurer une transparence et une confiance dans une base de données décrédibilisée.
Blockchain au service du cadastre en Afrique, des avantages mais des problèmes à résoudre
De manière générale, la blockchain simplifie l’enregistrement de propriété, facilite son accès et la transparence. Spécifiquement, en Afrique, l’absence de registres cadastrales fiables limite l’investissement dans l’immobilier, l’agriculture ou encore e-commerce.
La création de cadastres virtuels adossés à la blockchain pourrait apporter aux titres fonciers africains la crédibilité qui leur manque aujourd’hui en garantissant leur fiabilité. La technologie sécurise aussi les informations et en proposant une solution infalsifiable aux Etats de mettre en place une garantie de propriété, à l’abri de toute corruption ou malversation. Enfin, dès que les titres de propriétés seront sécurisés, il sera évidemment bien plus aisé pour les banques de les accepter en garantie et de prêter en conséquence.
Si la blockchain présente des avantages certains, des problèmes sont à résoudre. Le premier d’entre eux est en Afrique au préalable l’important travail d’identification des véritables propriétaires fonciers afin d’éviter toute spoliation. Aujourd’hui, les utilisateurs de la blockchain sur laquelle est basée le bitcoin sont identifiés par un pseudonyme (une adresse attribuée par exemple). Cette méthode peut s’avérer être insuffisante pour acheter ou vendre un terrain, lorsque l’on sait que la loi exige une identification précise des différentes parties prenantes. Pour résoudre ce problème, la blockchain pourrait par exemple être synchronisée à un système d’authentification fort, à l’instar du système d’identification utilisé par les banques lors d’un paiement électronique. Comme le soulignant l’avocat spécialiste des fintech Hubert de Vauplane, lors du Paris Fintech organisé fin janvier 2017, « Une information de propriété inscrite sur le registre de blockchain vaut- elle propriété dans le droit ? Quelle force juridique accordée à cette technologie ? Une propriété inscrite sur ce grand livre numérique est-elle opposable à un tiers ? Tant de questions qui méritent d’être éclairées.
Le plus gros problème juridique réside dans l’administration de la preuve du cadastre. Pour autant, il faut noter que la preuve de la propriété immobilière est libre (en droit français). Ainsi, en cas de litige portant sur un droit de propriété immobilière, rien ne s’opposerait à priori, à ce qu’une partie au litige apporte la preuve de son droit avec des données issues d’une blockchain cadastrale. Il sera éventuellement nécessaire de recourir à des experts informatiques pour apporter ladite preuve. En outre, un consensus international sur la question serait le bienvenu pour asseoir une protection juridique à l’échelle internationale. La blockchain étant entièrement décentralisée, elle est donc partagée par des « pairs » vivant dans différents pays. Pour l’avocat Hubert de Vauplane, « il faudrait qu’un accord international soit trouvé sur la valeur juridique des opérations exécutées sur la blockchain, comme cela a déjà été fait pour les sites avec le protocole HTTPS dans les années 90 ».